Un film québécois dans la sélection officielle
Far Far Est raconte un road trip réalisé au Québec et sur la côte Est américaine lors d’une semaine de relâche où le ski, le surf et l’humour crèvent l’écran. C’est aussi un rêve devenu réalité pour le co-producteur Zacharie Turgeon dont le film sera également présenté dans le cadre de la Tournée mondiale au Québec du Festival du film de montagne de Banff du 20 au 31 janvier 2021.
Q – Bravo Zacharie! Il y a très peu de films du Québec qui se rendent jusqu’à la Sélection officielle du prestigieux Banff Mountain Film Festival! Peux-tu nous décrire la fierté que tu as ressentie au moment d’apprendre la nouvelle?
R – J’arrivais plus à me gérer! Mains moites, jambes molles, estomac noué, respiration sifflante, je suis passé par tous les symptômes d’une surprise intense quand j’ai ouvert le courriel de l’annonce du festival. C’est une immense fierté de réaliser un de ses rêves de p’tit cul. Ça met la barre haute pour le prochain projet!
Q – Te souviens-tu de la première fois où tu as rêvé d’avoir un de tes films faire partie du festival?
R – Olivier, Charles-Antoine et moi, on fait des vidéos de nos folies depuis qu’on est tout jeunes. C’est difficile de mettre le doigt sur la première fois que l’idée nous est venue en tête. Mais à chaque fois qu’on sortait de la représentation de la tournée du Festival dans notre ville natale de Gatineau, c’était la seule chose à laquelle on pensait.
Q – Comment t’es venue l’idée originale du film?
R – Charles-Antoine et moi vivons en colocation à Québec. Une fois de temps en temps, l’envie nous prend et on se met à se lancer des idées de concepts autour d’une petite bière. Far Far Est a été la combinaison de plusieurs idées qui traînaient dans nos carnets de note, mais qui n’avaient jamais été concrétisées.
Il y a plusieurs années qu’on a laissé derrière nous les rêves de devenir des sportifs professionnels, mais on s’est toujours dit que ça ne signifiait pas que nos aventures ne valent pas la peine d’être racontées. On voulait créer un film qui montrerait notre définition d’une bonne aventure. On s’est aussi fait la promesse de ne jamais trop se prendre au sérieux.
Tous trois étudiants, on sait à quel point la semaine de relâche est mythique pour tous. Au Québec, ça prend souvent la forme d’une semaine au chaud, à se prélasser sur les plages du sud avec une boisson alcoolisée en main. Nous, on a passé 10 jours dans une van non-isolée à des températures sous zéro à essayer de rester au chaud entre nos sessions de ski et de surf. En mélangeant ça à quelques gags et des métaphores un peu (trop) intenses, on s’est dit que ça allait sans doute faire rire une «coup’» de personnes!
Q – Y a-t-il des films qui t’ont inspiré plus particulièrement? Quels ont été les plus grands défis de ce film?
R – J’ai toujours dit ouvertement que je « vole comme un artiste » (du livre Steal Like an Artist de Austin Kleon). Je pige dans plusieurs styles pour construire le mien. Les réalisateurs que j’admire ont un énorme impact sur mon approche à la création: des personnes comme Trevor Gordon ou Alec Pronovost qui réussissent à construire des histoires originales sans jamais se prendre trop au sérieux.
Le grand défi a été de faire confiance à mes idées. Dans le monde des films d’aventure, je trouve que l’accent est souvent mis sur l’intensité de l’aventure, le niveau de risque et le dépassement des limites humaines. On voulait se prouver à nous-mêmes et aux autres que raconter une histoire originale et un peu plus marginale avait autant de valeur. Quand j’ai vu la réaction des gens face au film, ça m’a rappelé qu’il faut parfois rester têtu et aller de l’avant avec ses idées, aussi niaiseuses qu’elles peuvent paraître.
Q – La réalisation d’un film est un travail d’équipe. Ça s’est comment passé entre vous?
R – Je suis très privilégié de pouvoir réaliser des projets comme Far Far Est avec mes deux amis d’enfance. Charles-Antoine et Olivier savent que je peux être intense quand on tourne, mais le fait qu’on se côtoie depuis si longtemps nous a permis d’être transparents dès le début. Avec du temps et des ressources limitées, on devait rester très efficaces. On sait quand c’est le temps de se pousser entre nous et quand il faut laisser aller. Un peu de friction entre nous mène parfois à de meilleures idées.
Écrire et produire le film avec Charles-Antoine a été un bon casse-tête à construire. On a aussi reçu l’aide précieuse d’amis qui ont cru en notre projet. Je pense à Dominic Faucher, Raphael Desharnais, William Lamoureux et j’en passe. Ça nous a permis d’amener le projet plus loin.
Q – Comment s’est déroulé votre tournage, autant au Québec que sur la côte Est américaine? Des anecdotes mémorables?
R – C’est définitivement le genre de ‘trip’ dont on va parler à nos petits enfants dans 50 ans! On s’est fait fouiller par un douanier insistant, fait réveiller par la police au milieu de la nuit et s’est gelé les bouts de doigts un peu trop de fois…
Notre plus grosse journée de tournage était au Mont Washington, une montagne pour laquelle l’approche est de près de 5 km avec 750 m de dénivelé positif. On se lève à 5 heures du matin, pas le temps pour un café, et on commence à monter. Après avoir traîné de misère mon sac de caméra et mon trépied jusqu’à la base du Tuckerman Ravine, je réalise que j’ai laissé mes batteries de caméra dans le stationnement ! Au même moment, le ciel se dégage et le soleil se met à briller sur les couloirs. Pour ceux qui connaissent l’endroit, des journées comme ça, il y en a qu’une poignée dans une saison. J’ai descendu la piste de montée avec mes peaux de phoques coincées dans mes pantalons de ski. La remontée jusqu’au bol a été pénible, mais les images tournées cette journée-là n’ont pas de prix. Merci à mes années de ski de fond de compétition pour le cardio!
Q – Si vous étiez sur scène devant le public québécois, vous diriez quoi aux gens dans la salle?
R – On dirait probablement quelque chose de cute et de vraiment cliché! Genre de jamais faire taire le petit enfant en soi et de ne jamais arrêter de jouer dehors. La valeur d’une aventure n’est pas évaluée à la hauteur des sommets qu’on atteint, mais plutôt au plaisir qu’on y prend! Et on leur dirait aussi de ne pas trop nous prendre au sérieux.